MB1, la première

par Patrick Barrabes

Tout commence dans une petite entreprise de Pantin, la S.I.C.A.M. (Société Industrielle de Construction d’Automobiles et de Moteurs) où travaillent au début des années vingt, Charles Benoit et Abel Bardin en compagnie de l’un des grands spécialistes du moteur à deux temps, Marcel Violet. Les deux hommes s’entendent bien et travaillent ensemble en 1922 à la réalisation d’une voiturette dessinée dans l’esprit cyclecar : le Pélican. Celui ci brûlera lors d’une sortie d’essai et le projet sera abandonné.

Les deux ingénieurs se lancent alors dans la construction d’une moto légère de 175 cc. Cette moto, propulsée par un moteur deux temps de 56 mm d’alésage et 70 mm de course, tourne à un régime de croisière de 1 800 tours/minute et d’après un catalogue que je date de fin 24, développe 1,75 HP pour un prix de 1 375 francs. Sa vocation est essentiellement utilitaire, bien que l’affiche publicitaire dessinée par Marcel Dupin la représente en version dame, accompagnée d’une joueuse de tennis. La production de 1923 est confidentielle, essentiellement constituée de prototypes. Le démarrage effectif de la production a lieu fin 1924, les statuts de la société ayant été déposés officiellement le 11 décembre 1924.

Nous voyons souvent dans les bourses ou dans les petites annonces des MB1 de 1923 a vendre. Méfiez vous ! Les vrais modèles «A» sont rares. Comment les identifier ? Je vais suivre point par point et par ordre chronologique l’évolution de cette machine.

1923 – 24 – Prototypes et préséries

Sur cette version, dont l’esthétique a un lien de famille avec le S.I.C.A.M., la bougie (monte d’origine GILARDONI) est située à l’arrière du cylindre borgne. Le décompresseur est vertical. La magnéto (France ou Bosch) est entraînée par une chaîne vélo au pas de 12,7 protégée par un carter oval en aluminium moulé au sable. Le carburateur est un ZENITH type 15H à papillon fixé sur la pipe d’admission par un écrou à pas antagonistes (pas normal + pas inverse). Deux bossages venus de fonderie avec les carters moteurs comblent partiellement l’intérieur du piston lors de la descente de celui ci et permettent de diminuer l’espace mort lors de la phase de précompression du cycle à deux temps. Ce brevet, un des premiers déposé par la marque, sera utilisé jusqu’aux derniers modèles de la série, juste avant la guerre. Le piston possède un axe flottant (sans circlips) en bronze diamètre 12 mm jusqu’au numéro 5420. A compter du moteur 5421, le diamètre passe à 15 mm et l’axe est en acier.

La partie cycle se démarque esthétiquement des productions Françaises de cette époque. J’ai toujours pensé, mais ceci est une opinion personnelle et n’engage que moi, que Charles Benoit, pendant son séjour aux Etats Unis entre 1917 et 1918 au titre d’instructeur militaire, a été inspiré par les lignes tendues et longilignes des Indians; Clevelands et autres Evans. La fourche pendulaire est en tôle roulée sur toute sa hauteur (technique du fourreau de sabre) son ressort disposé horizontalement est en fil rond, la selle en cuirde marque “STAR” est suspendue par deux ressorts travaillant en traction. Elle est fixée sur un tube de selle maintenu dans le cadre par un cône expendeur. Nous retrouvons une telle fixation de selle sur les Mobylettes 51 dans les années quatre vingt. La béquille en tubes ronds est clipsée en position relevée sur un garde boue à bavolets démuni de porte bagage. La boite de pédalier est soudée au cadre. Le catalogue 1924 la représente équipée d’un pédalier de 36 dents issu probablement du catalogue d’un fabricant d’accessoires de bicyclettes. Le petit pédalier percé de huit trous que nous connaissons tous apparaît sur le deuxième catalogue (1925).

1925 – 27 – La grande série

La MB1 se vend bien. Le local de quatre cent mètres carrés du 13 rue Beaurepaire est devenu trop étriqué. Les ateliers s’étendent alors aux numéros 27, 29 et 31 de la même rue et aux 14 et 16 rue Lesault, ce qui porte la surface totale de l’usine à six mille mètres carrés en 1926. La moto évolue peu. Charles Benoit et Abel Bardin avaient visé juste d’entrée de jeu et, seules quelques modifications de détail, souvent liées à la diminution des coûts de fabrication ou à des exigences de production sont nécessaires.

La partie haute des haubans de fourche depuis l’axe d’articulation jusqu’à la bride de fixation du ressort devient en acier matricé (profil en H). La béquille tubulaire est maintenant élaborée à partir d’un profil en U. Apparition d’un porte bagages fixé au cadre par l’intermédiaire de pattes soudées sur les haubans.

Côté groupe propulseur, Le décompresseur prend place à l’avant du cylindre à l’opposé de la bougie dont l’étincelle est maintenant générée par une magnéto NOVI dont la chaîne est protégée par un carter en tôle emboutie.

Le carburateur est lui aussi nouveau. Marqué Motobécane sur le couvercle de cuve, on peut le trouver dans quelques catalogues sous la dénomination «PIP». La particularité de ce carbu est le trajet suivi par les gaz frais. Ceux ci pénètrent dans le corps en passant sous une cloche située sur le couvercle du boisseau. Ils traversent verticalement celui ci et se dirigeant vers le cylindre en tournant brusquement de 90° dès l’ouverture des gaz. En 1927, apparition d’un silencieux à l’échappement.

1928 – L’apogée

Modification du cadre à compter du n° 50 000. La boite de pédalier soudée est remplacée par un modèle fixé par bride et coulissant sur deux tubes parallèles afin de faciliter le réglage de chaîne vélo. Ceci permet par la suite l’adaptation en option d’une boite de vitesses. La selle STAR est remplacée par une BAURIAT. Abandon du cylindre borgne au profil d’une culasse en alu détachable.

Le sigle Motobécane est mis en valeur par deux filets argent sur un nouveau réservoir aux formes plus rebondies. On peut également noter le remplacement du bouchon d’essence vissé par un modèle plus gros serré par un expanseur et équipé d’une mesure d’huile… Le porte-bagages est renforcé et le ressort de fourche adopte un fil carré.

La MB1 sera produite sans autre changement jusqu’en 1929. Parallèlement au modèle à courroie directe, le 175 deux temps évoluera vers des versions à changement de vitesse et transmission par chaîne jusqu’à la guerre.

Ce texte est extrait du bulletin « Motobécane Obsession » n°1 (Avril 97)