La 350 3 cylindres

La 350 MOTOBECANE, En jaune et contre tous

Nous sommes en 1972. Le salon de Paris s’ouvre sur plusieurs nouveautés majeures. Chez Honda, un curieux stand présente sur des buttes faites avec du pavé parisien la petite dernière de la gamme des quatre cylindres, la 350 Four. Kawasaki crée la surprise avec une « énorme » quatre cylindres en ligne de 900 cc qui deviendra la référence en matière de puissance après les redoutables 750 H2 si difficiles a maîtriser. Chez Yamaha, un prototype quatre cylindre 2 temps, un concept bike, comme nous dirions aujourd’hui étonne avec son alimentation par « injection » Nous saurons plus tard que cette étude n’a jamais été menée à son terme.

Et chez les français. Le constructeur parisien, Motobécane, connu dans le monde entier pour son flot de Mobylette qui inondent banlieues et cours d’usines, et que l’on retrouve depuis les pistes africaines jusqu’au grand Nord canadien, vole la vedette de ce salon à tous ses concurrents en présentant une 350 cc. Cette machine, dont on pressentait l’arrivée depuis déjà deux ans au hasard de photos prises « à la volée », renouait avec une tradition Motocycliste ancrée chez Motobécane depuis 1923 et qui avait donné lieu à une superbe lignée de motos populaires mais aussi de grand sport et même, dans les années trente, de quatre cylindres à arbre a cames en tête.

Cette 350 née sous le numéro de code D353, ne portera jamais de nom. Est-ce un signe du destin qui déjà préfigure l’avenir houleux de cette française ? D’entrée de jeu, elle détiendra un record. Celui d’avoir fait couler beaucoup d’encre. D’un côté les articles, rares, de journalistes qui voyaient en elle non seulement une bonne moto, techniquement très en avance sur son époque, mais aussi espéraient en elle un renouveau de la moto française, tuée dans les années soixante par la guerre d’Algérie et la hausse des assurances. De l’autre, des écrits au vitriol, jetés sur le papier par des « rédacteurs bien inspirés », malheureusement nombreux et toujours actifs de nos jours pour qui la belle française, de part sa naissance, ne pouvait être une bonne moto.

Tout cela fera que la « L3 », (cette dénomination non officielle ne lui a été attribuée que récemment, par le noyaux de plus en plus nombreux des amateurs, je devrais dire des intégristes, de cette machine), va acquérir bien vite une réputation négative qui, associée à d’autres points que nous verrons plus loin, fera que seulement 779 exemplaires sortirons des chaînes de montage.

Histoire

La firme Motobécane était avant tout une entreprise familiale. Son fondateur, Charles Benoît, était un personnage aux multiples facettes. Créateur de génie, ce défenseur acharné de la motorisation populaire avait touché à tout. Du moteur d’avion à la célèbre Mobylette, cette bicyclette poussée par un petit vent de dos permanent, l’étendue de son talent était immense. Il était entouré par des concepteurs, simples autodidactes de grande valeur ou ingénieurs talentueux tel son neveu Eric Jaulmes. Charles Benoît bénéficiait d’une « aura » exceptionnelle, ses collaborateurs avaient envers lui un respect total, frisant parfois l’adoration. Il est vrai que le personnage était un de ces capitaines d’industrie qui, partis du bas de l’échelle étaient arrivé au sommet sans oublier l’époque des mains graisseuses et des heures passées à terminer à la hâte un prototype avant sa présentation lors d’un salon. Il n’était pas rare de voir Monsieur Benoît, directeur d’une entreprise de plus de cinq mille personnes, arriver dans le brouillard d’un matin d’hiver pour apporter un thermos de café chaud aux essayeurs qui avaient passé une nuit en Mobylette autour du circuit de Montlhéry. Pourtant, chacun est perfectible et sa carrière fut ponctuée par quelques choix douteux. L’opposition totale de Motobécane à la compétition en est un. Pourtant dans les années cinquante, le potentiel de certains modèles était réel.

Pour en revenir à celui qui nous intéresse aujourd’hui, nous pouvons considérer, avec le recul de l’histoire, que le choix d’un deux temps pour le projet D353 était une erreur de jugement. Retournons en 1969. Le paysage motocycliste européen était en pleine mutation. Un flot de machines débarquait par containers entiers de cargos venus du pays du soleil levant. Les japonais, s’ils proposaient souvent des motos inspirées de modèles occidentaux, avaient compris que même si le « produit » proposé était perfectible sur le plan freinage et tenue de route, il devait être plaisant à regarder, plaisant à utiliser, et surtout ne pas être destiné à un « mécanicien » capable de resserrer un boulon par-ci, une vis par-là. Il devait être propre et facile à mettre en marche. En bref, capable d’être mis entre toutes les mains

Pendant ce temps, les constructeurs anglais agonisaient, tués par un conservatisme qui pensait que le vertical twin était l’aboutissement ultime d’un moteur de moto. Les Italiens, qui ont le sens de la belle mécanique inscrit dans les gènes, réagissaient en proposant des modèles attachants mais un peu trop exclusifs. Les allemands, avec les première série 5 commençaient à mettre des couleurs sur leurs austères BMW mais laissaient lentement mourir Kreidler, Hercules et Zundapp.

Quant aux français, leur industrie motocycliste était morte en 1964, l’année ou Motobécane avait mis au pilon la chaîne des monocylindres 4 temps. Il s’en était suivi un creux d’une décennie où les français roulaient en cyclomoteur ou, a part quelques irréductibles … ne roulaient pas.

En ce printemps 69, le constructeur de Pantin présente au public une 125 bicylindre : la 125 Standard. Si elle possède un air de famille avec la gamme des Mobylette, la machine est novatrice sur bien des points. C’est sur cette lancée que Charles Benoît demande à son bureau d’étude de se lancer sur un trois cylindres deux temps. Ce choix, on le saura bien des années plus tard, est inspiré par les bons résultats commerciaux des Kawasaki 350 S2 et 500 H1 et de la Suzuki GT 750 qui utilisent les mêmes choix technologiques.

Comment est composé le bureau d’étude Motobécane en 1969 ? Imaginons un grand bureau carré. Autour, des tables à dessin et quatre personnages. Il y a Eric Jaulmes, directeur technique. On ne le présente plus. Rentré chez Motobécane en 1927, c’est « l’esprit de la maison » C’est à lui que nous devons la majorité des créations et des brevets déposés depuis la fin de la guerre. Il passe son temps entre la planche à dessin et les déplacements sur Montlhéry pour suivre une campagne d’essais ou à l’usine de St Quentin. A ses côtés son fils Christian. Il prendra plus tard la direction du bureau d’étude, mais pour le moment, fraîchement sorti d’une école d’ingénieur, il suit les directives de son père. Un troisième personnage, Ernest Drucker, travaille pour Motobécane en tant que consultant. Entré à Pantin vers la fin des années 30, c’est un concepteur de talent capable de travailler aussi bien sur un moteur de Mobylette que sur la voiture électrique développée chez Novi quelques années auparavant. Le dernier des quatre, au fond de la pièce, est un jeune ingénieur motoriste dont le talent explosera dix ans plus tard en conduisant aux portes du titre mondial une 125 bicylindre pilotée par Guy Bertin. C’est Jean Bidalot, dont le nom aujourd’hui est synonyme, partout dans le monde, de cyclos de vitesse qui gagnent.

Les ordres venaient de Charles Benoît qui détenait le pouvoir décisionnaire.

Voici donc la tête des études chez Motobécane. A « l’étage au-dessous », de nombreux dessinateurs et projeteurs finalisaient les projets

L’ambiance n’était pas au beau fixe. Eric Jaulmes n’était pas persuadé que la voie du deux temps soit la bonne. Pour lui, un twin, ou pourquoi pas un quatre cylindres fonctionnant suivant le cycle de Beau de Rochas était préférable. Une étude dormait dans les tiroirs à plan. Celle d’un quatre cylindres à arbre a came en tête de 300 cc initialement destiné à une voiture légère : la KM2V. Partant de l’expérience acquise avec cette base, il aurait été facile de développer un moteur de moto. Drucker, de son côté, partageait les idées du patron.

Ces divergences d’opinion ont conduit l’équipe à une étrange situation. Eric Jaulmes ne voulait pas entendre parler de la trois cylindres. Le reste de l’équipe, tailladé entre les ordres de leur directeur technique et ceux du patron vivaient cette situation peu commune de la façon suivante : Quand Jaulmes était là, on travaillait sur les études « officielles », nouvelles Mobylette ou autres. Dés qu’il s’absentait, les plans étaient retournés et découvraient ceux, dissimulés, de la 350. J’ai même ouï dire que le téléphone fonctionnait bien entre services pour savoir ou se trouvait Mr Jaulmes.

C’est ainsi que cette D 353 est née, presque en « perruque » suivant ce terme utilisé dans les ateliers de mécanique qui signifie « travailler en douce ». Une fois le projet amené à un niveau tel que toute discrétion était devenue impossible, Eric Jaulmes s’est investit à son tour dans l’avancement des études. Il s’y est passionné et à permis l’évolution vers des techniques nouvelles qui sont toujours d’actualité de nos jours, l’injection par exemple. Il est simplement dommage que la genèse de cette moto ait souffert de ce manque de cohésion dans une équipe qui aurait, si elle avait travaillé dans la même direction, mis sur le marché une moto fabuleuse.

Automne 1970, la conception de la moto se termine. Une maquette en plâtre et bois permet de visualiser avec une meilleure précision la future moto. Déjà la silhouette nous est familière et donne un aperçu du dessin définitif. On découvre le carter de chaîne et un cylindre central proéminent pour faciliter son refroidissement. Les carburateurs chargés de gaver des cylindres, pour le moment en bois, sont des Dell’orto. Dommage que ce choix n’aie pas été confirmé en série. La selle double et son embase ressemble à une Dunstall anglaise. La forme des pots est presque définitive avec deux silencieux de chaque coté. La forme des carters moteurs et des ailettes de culasse reprennent les formes anguleuses vues sur la 125 bicylindre.

Le premier « laboratoire roulant » est surpris par Moto Journal durant l’hiver 1970/71. Le cadre et le réservoir sont ceux que nous verrons sur les premiers modèles commercialisés. L’habillage, hétéroclite, n’est la que pour assurer une fonction. Celle d’un véhicule d’essai qui se doit d’être le plus discret que possible. Dans ce but, le réservoir est orné d’un étrange logo « 900 » Le frein avant à tambour est un Griméca. Les jantes sont en acier comme celles de la maquette. Le moteur est équipé de carters moulés au sable. La proéminence sur le carter d’allumage reçoit un roulement supplémentaire situé à l’extérieur du volant magnétique. Le moteur, au démontage, laisse voir des pièces parfaitement usinées dont un magnifique embrayage à bain d’huile et une série de déflecteurs, destinés à recevoir ou orienter l’huile projetée par les pignons. Ils sortiront de fonderie par la suite mais sont pour le moment simplement vissés.

La 350 est présentée officiellement au Salon 1972. La moto attire un nombreux public dont le président de la République Georges Pompidou et Olivier Guichard, ministre de l’aménagement du territoire. Cette visite, la première visite présidentielle à un salon de la moto depuis 1949, est de mauvais augure. Quelques jours plus tard, le ministre des finances, V. Giscard D’Estaing, annonce le passage de la taxe sur la valeur ajoutée de 23 à 33.3 % sur les motos de plus de 240 cc. On voudrait tuer le renouveau de la moto française que l’on ne s’y prendrait pas mieux.

Février 1973. Les premières 350 sont livrées aux concessionnaires. Les vingt premières motos sont habillées de rouge. Le lancement est hâtif comme le prouve les carters latéraux, réalisés à l’aide d’une machine à thermoformer qui sert normalement au bureau d’étude pour visualiser des nouvelles formes. Tout rentre dans l’ordre avec l’apparition des modèles jaunes a compter du numéro 35000020 (la série des D353 démarre au numéro 35000000). L’accueil du réseau est glacial. Constitué par une trame de près de vingt mille concessionnaires, agents et sous agents regroupés sous le « M » tricolore par le biais d’un contrat d’exclusivité qui les lient à Pantin, ce sont avant tout des spécialistes de la Mobylette, vendue à des millions d’exemplaires depuis 1950. Familiarisés avec le fonctionnement basique de l’increvable petit 49,9 cc, déjà réticents lors de l’arrivée des 125 bicylindre, ils seront carrément désorientés devant l’apparente complexité d’un trois cylindres et de ses équipements électroniques.

Dans les grandes villes, les concessionnaires principaux ont tous une L3 en vitrine dissimulée au milieu des Mobylettes, mais peu poussent à la vente. Les motos qui partent en clientèle sont vendues à des passionnés, en grande majorité des anciens possesseurs de 125 de la marque. Quelques petits problèmes de tenue du chrome dur des cylindres sont constatés sur les premiers modèles. Le remplacement sera effectué sous garantie. Parfois une défaillance de l’allumage électronique se produit. La réparation consiste à pratiquer un échange standard du module qui regroupe toutes les fonctions électroniques. Cet ensemble, dont le logement se situe sous le carter droit est retourné à l’usine, réparé et renvoyé dans le réseau. Un statistique établie à l’époque indique que 90 % des causes de défaillance sont dues un problème de connectique, oxydation ou cosse mal enfoncée. Ces problèmes, pourtant bien connus à l’époque des cosses plates ou « faston », auraient pu être facilement résolu par les agents si seulement ils avaient bien voulu s’intéresser de près a cette électronique qui leur faisait si peur.

Pourtant, lente au début, avec seulement sept « préséries » assemblées en 72, la cadence de production s’accélère. La soixante cinquième machine sort le 15 juin 73 avec une première modification, mineure, la forme de la boîte à outils. La belle française fait ce quelle peut pour percer. Ce n’est pas facile avec une presse résolument hostile. Tout à été dit sur cette machine, surtout par ceux qui n’en avaient jamais vu. C’était l’erreur du siècle. La rumeur du copain sans arrêt ennuyé par toutes sortes de problèmes allait bon train. On aurait pu croire que des millions d’exemplaires avaient été vendus tellement il y avait de « copains ». La presse, elle non plus ne l’a pas épargnée. Moto Revue la présente dans une cour de ferme parmi les poules, a croire que c’est une moto faite pour les pecquenots ? Dans Moto Journal, on qualifie son garde boue avant de « rescapé de la thalidomide ». Le ton était donné ! Le vilain petit canard, c’est comme ça que ses détracteurs l’appelaient n’avait aucune chance d’arriver à l’âge adulte, le moment où les quelques défauts de jeunesse auraient été gommés. Le moment où les commodos électriques auraient trouvé des remplaçants plus fiables et ou la rampe de carburateurs GURTNER, visiblement délicate, aurai cédé sa place à des carbus au réglage plus constant. 553 motos sortiront tout de même des chaînes en cette année 73 avec une modification du moteur alimenté désormais par quatre transferts et un léger changement du jaune qui devient « bouton d’or » à compter de la 508ème machine.

16 novembre 1973 Le couperet du 1ér choc pétrolier nous tombe sur la tête et marque la fin des trente glorieuses, ces années d’après guerre où l’économie grimpait suivant une courbe quasi exponentielle et où l’énergie, d’un coût ridiculement faible était brûlée de façon prodigue. L’OPEP décide le doublement du prix du baril de brut qui passe de 3,001 à 5,119 dollars. Les ventes de la L3 s’effondrent. 190 machines pour l’année 74, 13 en 1975 et seulement 4 en 1976.

Malgré de nouveaux développements très avancés sur une alimentation par injection d’essence, nous verrons cela dans le chapitre consacré à la technique, la D353 terminera sa carrière au moment du Salon de Paris 76. Cette moto tant décriée était pourtant une bonne moto qui avait sa place sur le marché. Naître française et s’appeler Motobécane ont été ses deux principaux défauts. Si elle était née au pied du mont Fuji, si elle avait bénéficié d’un réseau de vente bénéficiant d’une image de marque « moto », sans nul doute aurait-elle été choyée, adulée et fabriquée à un nombre d’exemplaire largement plus important que 779 motos qui représentent à peine la présérie d’une production de masse nipponne

Technique

Dans la production motocycliste des années soixante dix, La Motobécane L3 se démarque des modèles concurrents. Rien a voir avec une Kawasaki, figée dans son image de super-sportive. Quelques ressemblances avec les Suzuki, les rondouillardes 380 et 550 GT qui cultivent une réputation de grandes routières. Mais avec sa confortable selle qui prolonge un imposant réservoir de vingt litres, sa chaîne protégée par un carter en tôle et son gros bi-iode de deux cent de diamètre dont les deux optiques couplés aspergent la route de toute la puissance de leurs 110 watts, la L3 s’adresse aux rouleurs plutôt qu’au coureurs.

Examinons les détails de sa partie cycle. Le cadre est un traditionnel double berceau passant au-dessous du moteur. Nous sommes au début des années soixante dix et il n’est pas encore question de mono-amortisseur ou de quelconque « Prolink ». La suspension est assurée à l’avant par une fourche Télesco jouant sur 110 mm. D’origine espagnole, elle assure parfaitement le guidage de la roue avant et le confort du pilote. L’arrière reçoit deux éléments télé-hydrauliques de la même marque. Avec un débattement de 85 mm, ils remplissent parfaitement leur office. Un réservoir de dix huit litres cinq assure une autonomie de deux cent à deux cent cinquante kilomètres suivant l’acharnement du pilote sur la poignée de gaz. Un inhabituel robinet d’essence coupe l’arrivée du carburant. Cette vanne Legris à trois voies d’origine industrielle à été montée en catastrophe quelques jours après le lancement de la moto. Le robinet à réserve, s’il avait parfaitement fonctionné pendant les essais de la moto, s’est avéré un peu juste en débit avec quelques cas de clients « essoreurs » de poignée de gaz qui se plaignaient d’un manque d’alimentation lors des « très hauts régimes prolongés ». Un robinet à réserve modifié équipera les derniers modèles de la série. Une selle double recouverte d’un revêtement noir granulé assure un bon maintien pilote et passager. Elle bascule sur la gauche pour libérer l’accès à un petit coffre à outil situé dans le dosseret de selle et au réservoir d’huile d’une contenance de deux litres et demi. Cette capacité, inconnue chez les concurrentes orientales est la preuve d’une moto « pensée » pour les rouleurs. Quoi de plus pénible en effet, que de se retrouver avec un bidon de deux litres au ¾ vide à sangler sur la moto.

Le freinage à l’avant est assuré par un étrier Lockheed largement dimensionné pour agir énergiquement sur l’unique disque de 275 mm de diamètre tandis que l’arrière reçoit un tambour Griméca de 180 mm. Signalons au passage la présence d’un moyeu à broche qui permet de démonter la roue sans toucher à la chaîne. Ce cas, peu fréquent dans la production motocycliste d’après 1965 mérite un petit clin d’œil. Les jantes sont des Borrani nervurées de dix huit pouces équipées de pneus Michelin, M38 à l’arrière et L27 à l’avant.

Une parenthèse. Sur la 350 Motobécane, beaucoup d’accessoires tels que les suspensions, freins, clef de contact … sont originaires de divers pays européens. Pourquoi ? L’effondrement de l’industrie française de la moto au début des années soixante a entraîné la faillite de tout un tissus industriel constitué par des centaines de petites et moyennes entreprises qui vivaient autour de l’industrie du cycle. Si les décolleteurs savoyards de la vallée de l’Arve ont survécu en se convertissant à la micro-mécanique de très grande série, les emboutisseurs, fondeurs et usineurs parisiens, stéphanois ou lorrains ont disparus, aspirés par la chute des constructeurs français.

Le moteur crache ses gaz brûlés par l’intermédiaire de quatre pots d’échappements. Curieux pour un trois cylindres ? Non, tout simplement logique dans le contexte de 1973. Le concepteur a eu le choix entre trois solutions. Trois pots séparés auraient eu un air de « déjà vu », sans compter la dissymétrie visuelle. Un trois en deux aurait été parfait, mais cette solution n’avait pas l’aval des « designers » de l’époque. La solution «trois en quatre» permet de respecter symétrie et effet de mode. Le tube du cylindre central se divise en deux petits pots dont l’addition des volumes et le freinage des gaz correspondent aux caractéristiques d’un pot normal. Remarquons la disposition des échappements qui permettent d’extraire sans difficulté la broche de roue arrière en cas de crevaison ou de changement de pneu.

Que dire encore de cette partie cycle ? Un guidon presque droit monté sur Silentbloc reçoit des commodos électriques de « faible facture ». Le tableau de bord est très bien fait. Sobre, avec ses cadrans noirs soulignés d’une bordure chromée il remplit parfaitement sa fonction. Les aiguilles rouge fluorescent des éléments Véglia annoncent 180 km/h et 12000 tours minutes avec un début de zone rouge à 6750 tours. Des clignoteurs Saker, identiques à ceux ce la 125 bicylindre sont montés souples par l’intermédiaire de supports chromés.

Si l’ensemble de cette moto est constitué d’éléments de très bon niveau, parfois même ce que l’on pouvait trouver de mieux sur le marché, le talon d’Achille de la L3 sera toujours les petites finitions. Un peu comme si les dessinateurs, après avoir fourni un gros effort pendant l’étude des éléments « vitaux » de la moto s’étaient relâchés sur les points de détail. L’exemple des commodos, familiers des faux contacts en est un exemple frappant.

Ces défauts, parfois énervant, souvent gênant, ne sont jamais rédhibitoires. Un nettoyage régulier des contacts, une vérification des cosses, un entretient basique font de la L3 une moto parfaitement fiable dont certains exemplaires ont largement dépassé deux tours de la planète. Il ne faut pas oublier qu’avec ses 779 exemplaires et son accouchement « dans la douleur », la 350 Motobécane n’a pas eut le temps de mûrir, de se peaufiner, de se bonifier dans le temps comme pourrait le faire une moto produite en très grande série. Et puis, qui oserai critiquer de nos jours le freinage d’une Kawasaki H1 ou la chaîne ridicule de la CB 750. Ce sont elles aussi des motos de caractère, perfectibles par bien des points, et personne ne leur en veut, mais la notre, il est vrai, à un défaut supplémentaire, elle est née française !

Le moteur

Le groupe propulseur de la L3 est un trois cylindres deux temps incliné de 25 degrés sur l’avant. De conception « classique », son balayage est de type Shnurle avec des canaux de transferts orientés à 120 degrés et une alimentation par la jupe du piston.

Les cotes choisies 53 x 52.8, en font un moteur presque carré. Ce choix est un compromis motivé par la volonté d’obtenir un moteur utilisable sur une large plage de régimes. Une course courte est plus favorable aux hauts régimes, au détriment de la souplesse, tandis qu’une longue course, sur un deux temps est gage d’une bonne « perméabilité des cylindres». Moulés en coquille, technique qui assure une bonne homogénéité de la matière et permet d’obtenir un état de surface correct au niveau des canaux de transfert et de lumières, les cylindres ont subit une évolution majeure. Décrits au départ comme étant des deux transferts, ils possèdent en fait deux transferts principaux et deux transferts auxiliaire constitués par deux rainures moulées dans la paroi du cylindre et alimentés par un trou usiné dans la jupe du piston. Fin 1973, ils adoptent quatre vrais transferts, entraînant une légère modification du diagramme. Avec la première version nous avions : admission 147° ; transfert 126° ; échappement 178°. Les cylindres quatre transferts adoptent : admission 140° ; transfert 124° ; échappement 176°. Nous sommes en présence d’un diagramme très raisonnable qui associé au rapport alésage course de 1.0038, va dans le sens d’un rendement linéaire.

Nous remarquons que la fonderie du cylindre central est proéminente. Dans le cas d’un moteur en ligne, la largeur hors tout est importante. La solution Motobécane pour limiter l’écartement des cylindres tout en conservant un refroidissement homogène sera cette solution élégante qui permet d’obtenir la même surface d’échange thermique pour chaque cylindre.

Restons avec les cylindres dont l’alésage est revêtu d’une couche de chrome dur. Ce principe, mis au point par les anglais sur des Norton de course, a été utilisé pour la première fois en série par Peugeot sur la gamme des TC4 en 1951. Nous le retrouverons chez Motobécane en 1954 et la Mobylette AV 37. Le principe consiste en l’application d’une couche de chrome de quelques centièmes directement sur l’aluminium (d’où l’importance d’une fonderie homogène), Il est ensuite « bombardé » d’impacts électriques qui créent des micro-porosités dans la couche brillante. Les cavités ainsi créées sont nécessaires afin de retenir l’huile pour la lubrification du piston.

Le chromage dur d’un cylindre présente les avantages d’une forte résistance à l’usure et d’un excellent transfert thermique. Les inconvénients sont le fait de devoir appairer l’ensemble cylindre piston car le taux de dilatation très proche entre ces deux éléments permet un jeu très réduit. Les pistons sont donc proposés avec des diamètres variant de un centième de mm entre deux références. La réparation dans le cas d’un éclat dans le chrome due à un serrage ou une rupture de segment, est impossible et implique le remplacement.

Les pistons sont des Karl Schmidt forgé. Ils comportent deux segments dont le supérieur est en « L ». Cette solution, sensée permettre à la pression produite lors de l’explosion de plaquer le segment sur la paroi du cylindre est aujourd’hui délaissée car elle entraîne une fragilisation certaine du segment en regard des avantages créés.

Le vilebrequin lui aussi est particulier. Il est emmanché à la presse comme l’implique la présence de bielles monobloc. L’originalité vient du fait qu’il est composé de seulement sept pièces forgées et non neuf comme habituellement dans le cas d’un trois cylindres. La diminution du nombre de pièces découle d’une large utilisation du forgeage. Trois volants comportent un tourillon et les trois autres un maneton. Il ne reste plus qu’a rajouter un maneton isolé pour compléter l’assemblage. Cette solution permet une certaine standardisation des pièces. L’assemblage du vilebrequin se fait en pot suivant un principe développé par le brevet n° 70.21062 du 3 janvier 1972 intitulé « vilebrequin composite et son procédé de fabrication ». Une petite critique concernant ce vilebrequin, les tourillons sont un peu faible en diamètre. Quelques cas de rotation du tourillon ont été signalés, ce qui implique une variation de l’angle des manetons qui s’écartent des 120 degrés de l’origine. Ne faisons pas de ce cas une généralité mais seulement la conséquence d’une utilisation extrême. Les bielles matricées sont à section rectangulaires. Les têtes sont équipées de cages à aiguille Durkopp. C’est INA qui fourni les cages de pied de bielle.

Les cylindres sont fixés par l’intermédiaire de douze goujons sur des carters moteurs d’une qualité de moulage exemplaire. Une « Légende » a circulé au sujet de carters poreux. Cette information, sans fondement comme tant d’autres, est due à une méconnaissance de la machine. Les carters, moulés en coquilles, sont largement nervurés. Ils se séparent suivant un plan de joint horizontal.

Le demi carter supérieur enlevé laisse apparaître une boite à vitesse à croisillons. Cette boite à cinq rapports utilise un principe repris sur les vélomoteurs D52 (50cc) et D75 (75cc) de la marque. L’utilisation de ce principe en lieu et place des habituelles boites à crabot que nous trouvons dans la construction motocycliste, laisse transparaître les problèmes évoqués au début de cette étude dans le chapitre historique. Les tergiversations autour d’un bureau carré n’ont pas permis de se pencher sur un développement forcément long. On s’est contenté de travailler sur un modèle déjà connu et bien maîtrisé.

Le principe de cette boite à croisillon est d’utiliser deux arbres : Le primaire, monobloc, reçoit cinq dentures toutes solidaires. L’arbre secondaire, creux, supporte cinq pignons « fous ». Il reçoit un coulisseau équipé de quatre doigts de verrouillage qui se déplacent axialement et viennent « accrocher » le pignon correspondant au rapport désiré.

Par rapport à une boite à vitesse conventionnelle, la boite à croisillon est très compacte. En raison de la faible longueur des arbres, la rigidité est excellente. En contrepartie, la sélection, verrouillée par bille est ferme. Le changement de rapport interdit le passage a la volée et implique l’accompagnement du sélecteur jusqu’au bout de sa course. Contrairement à la 125 bicylindre, le sélecteur est ici conformément aux normes allemandes, situé du côté gauche.

La 350 Motobécane est alimentée par une rampe de trois carburateurs Gurtner diamètre vingt quatre spécialement développés pour cette machine. Ils sont montés souples par l’intermédiaire de trois pipes caoutchouc qui les isolent des vibrations et servent de barrière thermique avec les cylindres.

Les trois boisseaux sont commandés par un palonnier qui permet une grande simplicité de réglage Les trois carburateurs sont réunis par une platine qui sert de couvercle de boisseau et supporte l’axe du palonnier. Difficile de faire plus simple. L’enrichisseur est constitué par une petite pompe fixé sur le corps droit. Elle injecte une petite quantité de carburant dans les pipes d’admission par l’intermédiaire de durites souples. Deux ou trois coup de pompes suffisent pour faire craquer la bête même lors d’un matin d’hiver. L’air frais arrive aux carburateurs par l’intermédiaire d’une boite de tranquillisation en plastique roto-moulé. Fixé par quatre vis, elle se démonte aisément et contient un filtre à air en mousse.

Facilité de réglage, mais une certaine inconstance dans les réglages surtout avec des carburateurs vieux de trente ans. Le Zamac qui constitue les corps est une matière qui a la fâcheuse manie de « fluer » sous la contrainte. Attention aussi à une certaine incompatibilité avec le super sans plomb 98. Une L3 roule exclusivement au 95 sans plomb.

Le graissage est assuré par une pompe mono-piston qui injecte l’huile directement dans les roulements de vilebrequin. Attention ! Il ne faut jamais supprimer la pompe sur une L3 en se disant : au mélange, je n’aurais jamais d’ennuis ! C’est le meilleur moyen pour détruire son moteur rapidement !

Le débit d’huile varie par l’intermédiaire d’un câble commandé par la poignée de gaz. Celui-ci entraîne un tambour qui comporte une rampe destinée à faire varier la levée du piston. En cas de rupture du câble, la pompe passe en débit maximum. Ca fume, mais permet d’éviter la casse du moteur.

L’allumage de la L3 est intégralement électronique. Il utilise le principe de la décharge de condensateur commandés par thyristors et capteurs électromagnétiques. L’énergie est fournie par un volant multipolaire qui sert également à recharger la batterie. Nous avons vu que toute la partie électronique était regroupée sous le cache latéral droit. Ce module contient les blocs électroniques, le bloc régulateur, de sinistre mémoire pour les possesseurs de L3, et la clef de contact. Les trois bobines d’allumage sont disposées sous le réservoir. Le point de déclenchement de l’étincelle est communiqué au calculateur par l’intermédiaire de trois capteurs magnétiques situés à 120° sur la périphérie du rotor.

Ce système d’allumage n’est pas une nouveauté chez Motobécane. Apparu en 1965 sur la Mobylette AV98 Sommet, il constitue à l’époque une révolution. Absence de réglage, insensibilité à l’humidité, fiabilité accrue. Une anecdote : Au salon 1965, un allumage fonctionnait, à la grande surprise des visiteurs, dans un bac en verre rempli d’eau !

Il faudra plusieurs années à la concurrence pour prendre le train en marche et rattraper leur retard sur Motobécane. Le père de cet allumage, René Moutet, dessinera en 1985 l’allumage et l’injection de la formule 1 Renault.

L’injection

Passionné par les techniques nouvelles et particulièrement par l’électronique qui commence à se développer, Eric Jaulmes croit en son application pour l’injection de carburant. Dans l’automobile on remplace les vieilles pompes mécaniques Kugelfischer par des petits injecteurs dont l’aiguille, mue par un électro-aimant crache dans l’admission son petit nuage d’essence bien calibré. Citroën vient de sortir la DS 23 équipée d’une injection Bosch. On utilisera ses injecteurs pour la Motobécane. Ils serons retouchés pour s’adapter sur le moteur deux temps. Une 350 à injection est présentée au Salon 73. Le principe est révolutionnaire pour l’époque. La variation des paramètres d’injection se fait à l’aide d’un disque photométrique. L’opacité progressive de celui-ci permet, grâce à une cellule photo électrique dont la position varie angulairement mais aussi radialement, de déterminer la quantité d’essence à injecter suivant la charge et le régime moteur.

D’après les courbes d’essais, le gain de consommation s’affiche à trente pour cent à pleine charge et jusqu’à cinquante pour cent en charge partielle. Les performances sont équivalentes à celles de la version carburateur. Une version équipée d’un microprocesseur sera également étudiée.

Motobécane croyait très fort à ce modèle. Malheureusement, le visage du deux roues français est en train d’évoluer. Le cyclomoteur, que l’on croyait éternel, s’accompagne désormais d’un casque devenu obligatoire. Les transports en commun se développent. Les déplacements professionnels font majoritairement appel au confort douillet de la voiture, même si cette solution implique de longues files d’attente. Bref, les ventes s’écroulent et Motobécane doit serrer la vis au niveau de la recherche et du développement de nouveaux modèles.

En tout et pour tout seulement quatre 350 à injection tournantes seront fabriquées. L’une d’entre elle partira aux Etats Unis Elle sera offerte au constructeur de moteur de marine Mercury dans l’optique d’une cession des brevets de l’injection

Une « 500 » à injection est présentée au Salon de Paris 1974. En fait, cette magnifique moto, peinte en vert pomme et dont les cylindres noir mat laissent apparaître une tranche polie est creuse. C’est une base de 350 dont la photo, qui fera le tour du monde, et l’objet d’une superbe affiche bien dans le ton des années soixante dix laissera aux amateurs de moto française, le goût amer de l’inachevé.

La 350 et la course
La vitesse

Malgré la faible quantité de L3 produite, quelques une iront tout de même tâter du circuit. En mai 1974, il existait chez Motobécane un embryon de service course. A sa tête Eric Offenstadt qui venait d’effectuer sur le circuit de Charade les premiers tours de roue d’une 125 de Grand Prix dérivée de la bicylindre de série.

Quelques semaines plus tard, Une 350 première version est présentée à la presse. Equipée de la partie cycle SMAC, un cadre coque et des roues conçues et commercialisées par Eric Offenstadt, cette moto aura le temps de participer au Grand Prix d’Espagne en septembre 74, quelques jours avant que « Pépé », c’est le surnom que portait Offenstadt dans le milieu du continental circus, ne quitte définitivement Motobécane.

Un moteur spécial est développé pour cette machine. Bien qu’en reprenant la disposition, il ne possède aucune pièce commune avec le 350 de série. Les fonderies sont spécifiques comme le prouvent des modèles bois, sculptés dans la plus grande tradition des modeleurs, récemment retrouvés dans une cave de la région parisienne. Les carters sont moulés au sable. Ils contiennent une boite six vitesse, toujours à croisillon. Un embrayage à sec mieux refroidi que son homologue de série, des carburateurs Mikuni, tout laisse penser que cette moto avait un bon potentiel et pouvait figurer honorablement en national ou jouer les outsiders sur les grilles de Grand Prix. La puissance annoncée est de soixante douze chevaux, équivalente à celle d’une TZ standard.

En 1975, le moteur est monté dans une nouvelle partie cycle plus conventionnelle. C’est maintenant Birbeau, Bernard Fargue et Martial Garcia qui sont responsable de ce projet. Nous les retrouverons plus tard au côté de Jean Bidalot autour de la 125 de grand prix qui frôlera le titre mondial. Le cadre tubulaire est enveloppé d’un carénage à l’avant profilé discrètement décoré du « M » tricolore. Christian Huguet effectue les premiers essais de roulage et la moto est officiellement présentée à la presse en novembre 75 sur le tourniquet provençal de Lédenon. C’est l’occasion pour Jean Claude Bargetzi, qui essaie la moto pour Moto Revue, de se faire une belle chaleur. L’avant délestant à pleine vitesse en raison d’un manque d’appui aérodynamique.

Après quelques séances d’essai et sans jamais être ré-engagée en course, la 350 finira dans l’anonymat d’un hangar de Pantin, Motobécane préférant porter tous ses efforts sur le développement de la 125.

La version rallye africain n’écrira pas une grande page de l’histoire de la moto française.

Assemblé par Yves Kerlo et Jean-Pierre Camino, un prototype sera engagé dans le

2° côte – côte (Abidjan-Nice) de 1976, aux mains de Rémy Louvel. Il n’atteindra même

pas le terme de la première étape.

Pourtant l’idée était séduisante et partait sur de bonnes bases.

Un très beau cadre double berceau, dessiné par Piron et réalisé par Yves Kerlo pesait à peine 11 kilos. Son dessin permettait le montage d’un réservoir en aluminium de 38 litres sans que le centre de gravité ne soit trop haut. La fourche avant oléo-pneumatiques provient d’une 700 YAMAHA. Un tambour en magnésium assure le freinage. A l’arrière, le frein est celui d’origine tandis que les amortisseurs sont remplaces par des DE CARBON à six positions. Un échappement trois en un débouche du côté droit de la moto.

Contrairement à ce qui avait été annoncé à l’époque, le moteur n’a pas été réalésé à 400 cc. C’est un 350 « rigoureusement de série ». La préparation à consisté en tout et pour tout à essayer de rendre le moteur étanche à la poussière.

Tout avait mal commencé pour l’équipe Motobécane. Le 4×4 d’assistance ensablé sur la plage d’Abidjan, un allumage « claqué » pendant les essais de la moto (les grilles de refroidissement étaient bouchées).

C’est le départ de la 1ere étape. Quelques kilomètres de piste et …. Encore un problème ! On décide de monter le moteur de secours pour gagner du temps. … Et on s’aperçoit que le moteur chargé dans les caisses à Paris avait serré pendant les essais !

C’est la fin de l’expérience Motobécane en rallye – raid.

Une fois rapatriée et réparée, la 350 de l’Abidjan – Nice sera confiée à un journaliste de TF1, Jean-François Dunac qui l’engagera à l’enduro du Touquet. Après avoir parcouru la ligne droite en tête, le câble de gaz lâchera à l’approche du goulet.

La 350 aujourd’hui

En ce début de 21ème siècle, on nous annonce à grand cris la mort programmée du moteur deux temps, victime des normes dites anti-pollution. Pourtant, jamais la Motobécane n’a connu autant de succès.

Il se forme, en partie autour du Motobécane club de France, un clan d’irréductible de ce modèle. Presque une secte qui s’échange les informations, les bons tuyaux, les réglages qui vont bien, et qui aiment se retrouver régulièrement lors de rencontres de club ou autour d’un circuit.

La L3 est une moto rare. Sur les 779 exemplaires construits, il doit en rester à peu de chose prés 1/3. Toutes ne sont pas encore recensées.

A l’heure ou nous trouvons encore dans la presse des compte rendus inspirés des « ragots » colportés à l’époque, le milieu des amateurs de motos classiques à pris conscience qu’avec la L3, nous sommes en présence d’une belle occasion ratée.

Ce modèle, s’il était né sous un autre contexte et avait eu la possibilité d’évoluer normalement, aurait certainement connu une belle carrière commerciale. Tous les ingrédients étaient réunis. Une pincée de bonne volonté des pouvoirs publics qui auraient pu se passer d’augmenter les taxes pour les plus de 240 cc, un zeste de courage de la part de certains agents Motobécane qui auraient pu essayer de réparer autre chose que le bon vieux moteur de la bleue et bien sur, un peu de tendresse envers le « vilain petit canard jaune» de la part des motards français qui ont un peu trop lorgné vers geisha aseptisées venues du lointain Orient.

Au guidon de la 350 Motobécane

Me voici donc aux côtés de cette belle française si controversée.

Bien campée sur une large béquille centrale, la moto, bien qu’assez massive pour une 350, n’est pas dénuée d’élégance. Il s’en dégage une certaine impression de « force tranquille », soulignée par une bonne cohésion des éléments mécaniques et de tôlerie. Tout est apparemment à sa place sur cette moto. Aucun creux disgracieux ou partie saillante ne vient choquer l’œil. La L3 est une moto homogène et inspire confiance. Peut être peut-on lui reprocher les vis de fixation du réservoir, un peu trop visibles.

Je m’approche du poste de pilotage. Le guidon, presque rectiligne reçoit des commandes, freins et embrayage, douces et qui tombent bien sous la main. Le maître cylindre Lockheed surmonte une poignée de gaz ¼ de tour assez ferme et dont le revêtement a tendance à noircir les mains. Les commodos font un peu « quincaille », impression qui se justifiera par la suite avec la rupture du petit levier plastique de commande de clignotants à la suite d’un simple accrochage avec un gant. A main gauche, nous disposons de la commande de clignotants et du bouton de Klaxon. La main droite, en plus de la poignée de gaz, dirige l’inverseur d’éclairage à deux positions, veilleuse – code ou code – phare. Celles ci se sélectionnent à l’aide d’une petite palette chromée située au centre du tableau de bord. Pas très ergonomique tout ça ! L’ensemble compteur – compte tour tombe bien sous les yeux. Nous verrons que les aiguilles, parfaitement lisibles de nuit comme de jour, font preuve d’une excellente stabilité.

J’attrape une des poignées de maintient situées sous la selle. Cet accessoire devrait se retrouver sur toutes les motos tellement il facilite la vie ! Oh surprise, la L3 descend de sa béquille avec une facilité dérisoire. Je tente l’opération inverse. Le béquillage s’effectue avec une simple pression du pied sur l’embout de la béquille. Les autres constructeurs pourraient prendre exemple. La béquille latérale, par contre est particulièrement peu accessible. Une petite boule rajoutée sur les derniers modèles viendra pallier ce problème.

La moto est sur ses roues. Une hauteur de selle raisonnable facilite l’installation du pilote. Le triangle selle – guidon – repose pieds procure une position confortable, le buste légèrement incliné sur l’avant. Le centre de gravité, assez bas, rend la moto facile à contrôler dans ses déplacements. En route !

J’ouvre l’essence. Il n’y a pas à se tromper. Le robinet n’a que deux positions. La clef de contact n’est pas à sa position habituelle sur le tableau de bord. Il faut se pencher sur le cache latéral droit pour la tourner. Ce n’est pas très logique mais finalement on ne tourne cette clef qu’aux moments du départ et de l’arrêt de la moto. Je pense que Motobécane à choisi cet emplacement pour regrouper les fonctions électriques en un seul endroit.

Le départ à froid s’effectue en agissant sur la petite pompe qui fait office d’enrichisseur. Deux à trois coups pour amorcer, on sent un léger durcissement du piston. L’essence est bien là. Deux coups de plus pour envoyer une giclée de carburant dans les pipes d’admission. Inutile d’en faire plus car au-delà, on noie le moteur.

Je déplie le long kick. Inséré en position repos dans un évidemment du cache latéral droit, il ne gène pas pendant la conduite. Il faut le dégager à la main pour le mettre en action.

Contact. Deux voyants s’éclairent sous le tableau de bord, charge et point mort. Le voyant de batterie restera allumé tout au long de cet essai. Le système de charge n’est pas défaillant, comme le prouvent les variations d’intensité électrique suivant le régime moteur. C’est tout simplement le « circuit de commande » du voyant qui est défectueux. Toujours ces agaçants petits problèmes d’accessoires !

Une poussée ferme sur le kick. Le moteur prend vie des la première sollicitation. Peu d’inertie, des montées en régime très franches. Le charme du trois cylindre agit des les premiers coups de gaz. Le ralenti est stable au bout de quelques secondes. Ce moteur est tout de même relativement bruyant. Il n’y a pas de couche liquide comme pour la 750 Suzuki pour atténuer les bruits mécaniques. Les ailettes entrent légèrement en vibration malgré les barrettes anti-vibratiles venues de fonderie. Aucun ronflement du coté de la transmission primaire. La taille hélicoïdale des pignons remplis son office. L’échappement est très discret, hormis le nuage bleuté qui s’en dégage. C’est un fait commun de dire qu’une L3 fume. Cela est du à l’injection d’huile du graissage séparé au niveau des roulements de vilebrequin.

J’enclenche la première. On décolle en douceur. La montée en régime est linéaire. Pas de coup de pied aux fesses comme sur sa concurrente, la Kawasaki S2. Pourtant ça pousse très fort. Il y a des chevaux de 1500 à 6500 tours sans que l’on ressente un seuil ou la puissance arrive d’un bloc. On peut piloter la L3 sportivement, en gardant l’aiguille du compte tour entre 6 et 7000 tours mais ce n’est pas la vocation première de cette moto qui permet de se balader tranquillement en jouant sur la souplesse du tricylindre.

La boite à vitesse est ferme. C’est une excellente boite pour qui sait l’amadouer. Hors de question de lui « taper dedans » à grand coup de bottes. Elle n’aime pas ça. Il faut au contraire accompagner le sélecteur jusqu’au bout de sa course. On sent, en particulier à l’enclenchement du cinquième rapport que le passage s’effectue en deux temps. Rien à signaler avec l’étagement. Les rapports de boite sont bien répartis, le rapport de transmission finale correct permet de pleinement utiliser la cinquième aidé il est vrai par la souplesse du moteur.

Le freinage peut être considéré comme ce qui se faisait de mieux à l’époque. La pince Lockheed est progressive avec juste ce qui faut de mordant pour effectuer un arrêt « canon » en restant à la limite du blocage de roue même avec un freinage réflexe. Le tambour assure sa fonction, stabiliser l’arrière.

La tenue de route de la L3 peut être comparée à celle d’une moto Italienne. Un cadre rigide associé a un débattement de suspension d’environ 100 mm, la moto vire d’un bloc, sans toutefois atteindre la rigidité d’une partie cycle Linto. Sur bon revêtement c’est un rail. Dés que la chaussée se dégrade, on enregistre des sautillements de l’arrière. Ce n’est jamais dangereux et dans tous les cas on contrôle. Il m’est arrivé de ressentir en grande courbe un léger phénomène de lacet, vite estompé en serrant légèrement le frein de direction. Motobécane devait être conscient de ce problème car sur les dernières motos ils ont rallongé le bras oscillant de cinq centimètres.

La Motobécane accepte bien la route en duo. L’avant s’allège un peu mais la moto conserve un comportement correct.

En conclusion, l’essai de cette moto attise bien des regrets. La Motobécane avait sa place sur le marché. C’est aujourd’hui un engin attachant, dispenseur de beaucoup de plaisirs pour ses trop rares possesseurs.

Si vous en voulez une, dépêchez-vous de la trouver ! Elle le mérite !